Le célèbre groupe tamachek Tinariwen propose une réédition de son premier album Kel Tinariwen, initialement sorti en cassette en 1991 et produit par Keltoum Sennhauser.
On ne vous présente plus Tinariwen, le célèbre groupe malien, mais certains de leurs premiers enregistrements sont tombés dans l’oubli. A commencer par le tout premier d’entre eux : une cassette intitulé Kel Tinariwen. L’album est enregistré par Abdallah Ag Alhousseyni, Hassan Ag Touhami aka ‘Abin Abin’, Kedou Ag Ossad et Liya Ag Ablil aka ‘Diarra’, à Abidjan au début de l’été 1991. Kel Tinariwen est produit par Keltoum Maïga Sennhauser (en photo sur la couverture), peintre, poète et auteure-compositrice. Fille d’un père Songhaï et d’une mère Touareg, Keltoum Maïga Sennhauser a grandi à Bamako et dans la région de Kidal au nord-est du Mali, là où vivent alors les membres de Tinariwen.
Son implication a été déterminante dans la réalisation de Kel Tinariwen. Comme les membres du groupe, elle est pétrie des combats que mènent alors les Touaregs (nom arabe pour désigner les Kel tamachek) pour plus de liberté, voire pour une autodétermination. En effet, depuis la fin de la première rébellion touareg, survenue entre 1962 et 1964, deux ans seulement après l’indépendance du Mali, les régions sahariennes où vivent les Touaregs sont placées sous une administration militaire sévère et répressive. Celle-ci entraîne des départs vers les pays voisins comme la Lybie et l’Algérie. La sécheresse qui s’en suit d’abord en 1972 puis, plus tard, en 1984 accentuent encore davantage ce phénomène pour en faire un exode. Keltoum Sennhauser et sa famille, qui vivaient dans ces régions, sont contraints d’émigrer. Sennhauser raconte combien la musique était un outil puissant pour raconter les luttes des Touaregs, en particulier travers les cassettes :
« Je pense que la cassette a joué un rôle crucial en tant qu’outil de communication, un outil qui nous était très cher. Elle a permis de sensibiliser et de réveiller les consciences de ceux qui pensaient que tout était déjà perdu, ou que nous n’avions pas les moyens de gagner notre combat. Elle a permis au monde touareg de développer sa propre conscience et d’aller de l’avant. Dans notre milieu, la seule chose qui peut nous faire nous remettre en question, c’est la musique. Parce que nous écoutons beaucoup de musique, nous aimons la musique, nous aimons la poésie. Nous ne lisons pas. Nous ne sommes pas un peuple qui lit. Donc, la seule lecture que nous avons, sur nous-mêmes et sur le monde extérieur, c’est la musique. »
Kel Tinariwen ne sera malheureusement jamais diffusé en dehors de la communauté locale qui s’échangeait les cassettes en 1992. Une situation en voie d’être résolue. Le disque révèle une autre facette des sons de Tinariwen, qui devrait réjouir les diggers. On ne retrouve pas tout à fait le son caractéristique de Tinariwen tel qu’il est aujourd’ hui. Pourtant, on peut entendre leurs fameuses lignes hypnotiques de guitare, qui accompagnent le chant construit à la façon call and response, ainsi que des boîtes à rythmes et des mélodies synthétiques.
Kel Tinariwen sort le 4 novembre via Wedge.